Le Yoga du Cachemire

Le yoga du cachemire est une exploration corporelle qui prend sa source au fond du cœur. Il met l’accent sur l’écoute et la disponibilité à ce qui se présente d’instant en instant. Les postures proposées sont le déploiement d’une méditation en mouvement où les notions de dynamisme, d’assouplissement, de résultat n’ont pas leurs places.

Il se base entre autres sur des textes fondamentaux du Xème siècle « le Tantraloka et le Vijnana Bhairava tantra » écrit par Abhinavagupta. Ces textes sont le fruit d’une investigation profonde, éclairée et directe de l’essence de notre être. Tout pendant que nous n’avons pas compris dans le cœur que la vie n’est pas personnelle, nous serons toujours en lutte plus ou moins échevelée pour un bonheur imaginaire. La vie est un cadeau, un don, un trésor et nous sommes aveugles et sourds la plupart du temps. L’approche non duelle du shivaïsme du Cachemire parle de cette vision claire. Les arts sont les reflets directs de l’expression de la non appropriation. Mais si l’artiste se prend pour un artiste, le don se transforme en moyen de s’enorgueillir et la beauté est figée. Le yoga du Cachemire est un art d’être.

« Si l’on médite sur les catégories subtiles ainsi que très subtiles dans son propre corps, ou bien sur celles de l’univers comme si elles se résorbaient les unes dans les autres, finalement, la suprême quiétude se révélera » Vijnana Bhairava sloka 54

La vie est une merveille constante, quel que soit la manière dont elle s’exprime, il n’y a rien à faire pour ou contre cela. Certes l’ego porte plainte dans les situations inconfortables mais il est le reflet de la peur de ne rien être. L’amour englobe tout, y compris la peur de disparaître. Le corps vécu tactilement comme un espace d’écoute est un temple grâce auquel les limites vont être prises en charge par ce qui n’a aucune limite.

« Celui qui a pour propriété la Conscience réside dans tous les corps ; il n’y a nulle part de différenciation. Ayant alors réalisé que tout est fait de cette conscience, il est l’homme qui a conquis le devenir » VBT sloka 100

Dans cette orientation, il n’y a rien absolument rien à exclure. Aucun devoir ; ni de se purifier, de se restreindre, de résister ou se forcer. La vie est le chemin où tout est offert sur un plateau à qui est prêt à voir. Le boucher coupe de la viande, la danseuse étoile s’use les orteils, le professeur répète inlassablement, l’enfant crie, le vieillard bave, les jeunes mariés pétillent, les voitures polluent, les oiseaux migrent, les chats jouent avec la souris …bref, tout est à sa place. La vie est une manifestation de la conscience qui s’anime à travers toute cette multiplicité et il y a détresse dès lors que « Je » m’oppose à cela. Toujours sans aucune exception !

« Ici nul besoin de progrès spirituel ni de contemplation, ni d’habileté de discours, ni d’enquêtes, nul besoin de méditer, ni de se concentrer, ni de s’exercer aux prières marmonnées. Quelle est dis-moi la réalité ultime absolument certaine ? Ecoute ceci : Ne prends ni ne laisse, tel que tu es, jouis heureusement de tout. » Hymnes d’Abhinavagupta Stance I sur l’incomparable.

Selon l’enseignement de Jean Klein , transmis par Eric Baret.